À l’occasion de la réédition de la traduction de l’ouvrage de Ludwig Wittgenstein Dictées à Friedrich Waismann et pour Moritz Schlick. Années 1930, coordonnée par Antonia Soulez, la librairie philosophique Vrin – 6, place de la Sorbonne, dans le 5e arrondissement de Paris – a organisé une rencontre le vendredi 27 novembre à 18 heures en compagnie des traducteurs : Antonia Soulez, Christiane Chauviré, Gérard Guest, François Schmitz, Jan Sebestik et Vannina Micheli-Rechtman.
La philosophe Christiane Chauviré y a prononcé un hommage à Antonia Soulez dont voici la transcription :
« Je voulais profiter de cette occasion pour rendre hommage à Antonia pour tout ce qu’elle a produit au long de sa carrière, et depuis 35 ans que je la connais. Elle nous vient de la philosophie grecque et de la grammaire de Platon puis a eu l’occasion de croiser le travail de Carnap, et c’est alors que tout a commencé pour moi.
J’ai rencontré Antonia à peu près à l’époque (1981) où elle songeait à traduire et publier les auteurs du Cercle de Vienne, mais d’un point de vue historique innovant par rapport à ce qui se faisait à l’époque. Avec l’aide de Jan Sebestik, un érudit très fin et incollable sur la Mitteleuropa philosophique, elle initie un livre collectif centré sur le Manifeste du Cercle de Vienne de 1929 à une époque où nul ne s’y intéressait de façon historique et située, y compris par rapport à l’art. Ce fut une traduction collective, dans une ambiance joyeuse (nous étions jeunes) et chacun a traduit un morceau de Hahn ou de Carnap ou d’autres. La publication se fit aux PUF en 1985, puis fut rééditée par Vrin, du moins le premier volume. Ce travail, que tous les étudiants de Paris 1 connaissait, fut un succès et ne m’a laissé que de bons souvenirs.
Ensuite Antonia s’est tournée vers Wittgenstein et a publié plusieurs livres sur lui, notamment Le tournant grammatical, traduit et commenté la leçon de Wittgenstein sur la liberté de la volonté, publié beaucoup d’articles et quelques collectifs sur des philosophes scientifiques austro-allemands du tournant de XXe siècle (Mach, Helmholz, Boltzmann).
Parallèlement se tenait à l’Institut d’histoire et de philosophie des sciences et des techniques (IHPST) un groupe de travail officieux initié par Antonia et portant sur Wittgenstein, avec l’aide du regretté Gordon Baker. C’est ce travail qui débouchera sur la traduction des Dictées de Wittgenstein à Waismann et pour Schlick dans les années 1990. J’ai moi-même peu participé aux séances de traduction et n’ai travaillé que sur quatre ou cinq Dictées, mais j’ai retrouvé la même ambiance chaleureuse que celle qui avait présidé à la traduction du Manifeste. Les Dictées en question sont une véritable mine semée de pépites pour qui sait s’y repérer, on y trouve de précieuses indications sur les opinions de Wittgenstein en transition au tout début des années 1930. Personnellement je les ai beaucoup utilisées.
Il faut donc être reconnaissant à Antonia et Gordon Baker pour cette initiative, et louer Antonia d’avoir lancé plusieurs fois avec dynamisme et esprit d’entreprise des volumes collectifs et de les avoir dirigé avec chaleur mais d’une main ferme. Parallèlement Antonia développait une œuvre personnelle riche et dense. Je n’ai pas mentionné ses travaux sur la musique, dont un, parmi d’autres, qui porte sur Wittgenstein et la musique, Au fil du motif, ni son travail de poète. C’est que je reste attachée à mes souvenirs de jeunesse comme le travail sur le Manifeste, élaboré dans une si bonne ambiance, ou comme les séances héroïques du samedi matin sur Wittgenstein, 13 rue du Four, dans un local pittoresque mais très rarement chauffé le samedi !
Aujourd’hui Vrin réédite les Dictées pour notre satisfaction à tous, et nous allons pouvoir porter un toast à Antonia à l’occasion de cette réédition et pour l’ensemble de son œuvres. »
Voir aussi
- l’actualité Réédition de Dictées à Friedrich Waismann et pour Moritz Schlick
- sur le blog de la librairie Vrin, l’annonce de la rencontre